La mélinite

L'acide picrique (trinitro-phénol) explose vers 300°C lorsqu'on le chauffe brusquement, mais Eugène Turpin découvrit qu'on pouvait le fondre dans un bain-marie d'huile sans danger, et qu'une fois fondu il devenait nettement plus difficile à faire exploser. Turpin imagina alors d'utiliser un détonateur d'acide picrique non fondu et une amorce au fulminate de mercure. En 1884, la direction des poudres récompensa Turpin pour l'importance technique de ses recherches.



En 1886, on commença à fabriquer en France la mélinite, composée de 70% d'acide picrique fondu et 30% de collodion. Plus tard elle a été constituée d'acide picrique fondu seul, coulé dans des obus dont la surface intérieure était recouverte d'un vernis spécial ou bien étamée pour éviter l'attaque du métal par l'acide nitrique et éviter ainsi les dangers d'explosions.

Malheureusement un capitaine d'artillerie vendit ce secret aux anglais qui l'utilisèrent sous le nom de lyddite (87% acide picrique 10% dinitro-benzol 3% vaseline).

Ci-contre : Pétard modèle 1886, une amorce enflamme la mélinite pulvérulente qui fait détonner la mélinite fondue.

De couleur jaune paille, très peu sensible au choc et à la friction, ininflammable par les étincelles électriques, la mélinite était un explosif brisant très puissant. Lors de l'utilisation il fallait éviter le contact avec les corps alcalins (soude, potasse, etc.) et surtout avec le plomb et ses composés. Au contact avec l'humidité la mélinite vire au jaune vif au lieu de jaune paille et perd beaucoup de sa faculté à détonner.



On employait avantageusement la mélinite pour charger les obus et pour des destructions au moyen de charges superficielles, c'est à dire simplement placées au contact des objets à détruire sous faible bourrage, voire sans bourrage. Une autre utilisation était l'emploi de mine comme on trouve la description dans la revue l'Illustration. 



A gauche, la galerie sous la tranchée ennemie où les artificiers posent une énorme mine de mélinite reliée par un cordon à la tranchée adverse. A droite, l'entonnoir formé par l'explosion, tandis que l'infanterie profite de la surprise pour attaquer à la baïonnette et que les sapeurs du Génie viennent poser des gabions remplis de terre pour fortifier l'entonnoir. Croquis paru dans l'Illustration n° 3757.


Ci-dessous une explosion de 50 kg de mélinite