La poudrière d'or de Gonfreville




Alors que la 1ère Guerre Mondiale a débuté, l'Allemagne a envahit la Belgique à l'été 1914. Le gouvernement belge part en exil à Sainte-Adresse, prés du Havre et près de 30 000 belges s'installent dans les communes alentours. 



L’usine de pyrotechnie Bundy de Graville Sainte-Honorine (au Havre), qui fabrique des explosifs, cherche alors un site éloigné pour la partie la plus délicate de son activité : le remplissage des obus. Elle choisit l’Usine d’or de Gonfreville l’Orcher qui sera surnommée la poudrière d’or.


Des soldats belges étaient cantonnés sur les communes de Gonfreville l’Orcher et de Gainneville, où l’armée belge avait établi cette base arrière dans un camp militaire en attente d’être envoyés au front, tandis que d’autres contribuaient à l’effort de guerre en travaillant dans des usines d’armement.



Le matin du 11 décembre 1915, les soldats belges de l’Usine d’or travaillent dans l’atelier de chargement des obus. Quand soudain, à 9h50, une violente explosion retentit dans l'arsenal qui contient 250 tonnes de poudre pour les obus.




On évoque 1 500 victimes

Parmi la centaine de personnes qui trouve la mort sous l’effet de l’explosion, la majorité sont des soldats d'origine belges.


On cite précisément 110 morts, pour cette catastrophe dont la cause est accidentelle.

Dans les communes alentours, on recense de nombreux blessés et d’importants dégâts matériels : les vitraux de l’église Saint-Martin d’Harfleur, l’usine Schneider et de nombreuses habitations.


Le récit des événements


Les ateliers de fabrication de munitions belges situés tout près du Havre (Graville-Sainte-Honorine) subirent une terrible catastrophe. Le samedi 11 décembre 1915, une explosion formidable faisait trembler toute la ville du Havre. La secousse fut telle que, de l’autre côté de la Seine, à Honfleur, les vitres volaient en éclats. À Sainte-Adresse, pourtant protégée par la colline, on avait entendu les deux détonations. 

Aussitôt on y apprenait par téléphone que la poudrerie de la pyrotechnie avait sauté. Quelle consternation ! À tous les malheurs qui nous avaient frappés venait encore s’ajouter celui-là, comme si le destin, acharné contre nous, eût voulu que rien ne nous fût épargné ! L’accident s’était produit à 9h40. 

À ce moment, les ouvriers du service de nuit venaient de quitter les baraquements. Il y restait cent et cinq travailleurs sous les ordres du commandant Stevens et du sous-lieutenant Jacquemin. L’explosion avait été terrible. Pas un de ceux qui se trouvaient dans la poudrerie n’eut la vie sauve. À l’emplacement de l’usine, on ne voyait plus qu’un trou profond de dix mètres et des débris humains, horriblement déchiquetés, tout autour. Le pavillon dans lequel travaillait le commandant avait été soulevé par la force de l’air et projeté avec ses occupants à une cinquantaine de mètres. On retrouva le directeur, la poitrine défoncée, les membres à peu près arrachés du tronc. 

À plusieurs kilomètres de là, des toitures avaient été arrachées, des palissades renversées ; on eût dit qu’un cyclone avait passé sur la contrée. Dans le préau du lycée du Havre, transformé en chapelle ardente, cent et un cercueils furent rangés devant l’autel, enveloppés dans les drapeaux tricolores des deux nations sœurs. Le 18, à 9 heures du matin, on les plaça sur des prolonges d’artillerie ornées de drapeaux et de feuillages. Puis après les paroles liturgiques et la bénédiction, les fourgons se dirigèrent en cortège funèbre et triomphal vers l’église Notre-Dame qu’ils entourèrent. 

La catastrophe de Graville-Sainte-Honorine, si douloureuse qu’elle fût, ne retarda en rien le ravitaillement de notre armée. Le lendemain, notre service des poudres se remettait à fonctionner et l’on étudiait le moyen de l’installer ailleurs, dans de meilleures conditions ; les parties endommagées des autres ateliers étaient réparées sans que le travail eût dû être interrompu. Dans d’autres endroits, des hangars sortaient de terre et poussaient à vue d’œil. En quelques semaines des champs de friche se couvraient de cités industrielles. Le génie de la Belgique éprouvée se manifestait d’une façon qui inspirait l’admiration la plus grande à ceux qui en étaient les témoins éblouis. 

Un monument à la mémoire des victimes de l’explosion fut élevé dans le cimetière du Havre. On pouvait y lire les noms de 105 victimes.


Le premier monument érigé à la mémoire des victimes comportait 105 noms.



Dans cet article publié dans le journal Le petit Havre , le lendemain de la catastrophe le 12 décembre 1915, on apprends qu'une autre explosion retentit à 11 heures. Cette seconde détonation ne fit pas d'autres victimes car les secours avaient renoncé à intervenir devant le risque de suraccident, ce qui s'avéra réel. 

100 ans après


Pour commémorer cet accident, une sculpture de l'artiste Michel Stefanini a été inauguré 100 ans plus tard, le 11 décembre 2015. Cette réalisation porte les noms des 110 victimes. La cérémonie a eu lieu en présence de Vincent Mertens de Wilmars, l’ambassadeur de Belgique et des descendants du comte de Broqueville, premier ministre pendant la guerre 14-18.