Une intervention d'Yves Hubert présentée aux Huitièmes Journées Paul Vieille, en octobre 2016, à l'amphithéâtre de Bourcet à l'Ecole Militaire de Paris, relate les accidents intervenus dans les établissements pyrotechniques durant la période 1915 - 1918.
Introduction
A la déclaration de guerre, la France disposait de 3.840 pièces de 75 dans les unités immédiatement mobilisables, approvisionnées à 1.300 coups par pièce. Après la bataille de la Marne, il restait en moyenne 500 coups par pièce dont 250 à la réserve du Général en Chef.
La fabrication journalière avait été prévue à 13.600 coups, ce qui ne représentait que 3 ou 4 coups supplémentaires par pièce et par jour. Dès le 15 septembre, le Commandant en Chef avait demandé en urgence un rendement de 40.000 obus par jour. Le 20 septembre, le Ministre de la Guerre Alexandre Millerand demande aux poudreries et aux industriels 100.000 obus par jour.
Cet effort immédiat demande une réorganisation profonde du circuit industriel, la création de nouvelles usines, l'emploi de nouveaux personnels à former, de main d’œuvre féminine ou étrangère (Annamites, Sénégalais, Kabyles, Espagnols, Serbes), de procédés à adapter aux nouvelles quantités exigées. Cela va être la cause d'accidents, qui seront plutôt attribués à des sabotages.
La Chambre des Députés surveille de près, la montée en puissance des nouvelles fabrications. Une commission d’enquête, présidée par Albert Lebrun (X1890) demande très souvent des renseignements supplémentaires au Ministre de l'Armement et des Fabrications de guerre, Albert Thomas, et au sous-secrétaire d’État à l’Artillerie et aux Munitions, Louis Loucheur, dans les gouvernements Briand et Ribot. Ils sont tenus de répondre. Les minutes des réponses sont consultables aux Archives Nationales.
Les principaux accidents, une trentaine, sont répertoriés (voir en annexe), les principaux étant :
* NDLR : Le nombre exact de morts est toujours délicat à préciser.
Mais d’autres, plus bénins, sont simplement cités.
Mais d’autres, plus bénins, sont simplement cités.
Il est élaboré des états récapitulatifs, par région militaire, " des destructions de matériel de guerre survenues depuis le 1er janvier 1916, en ce qui concerne les établissements divers relevant du matériel chimique de guerre. ". Ils précisent l’établissement sinistré, la nature et le coût des dommages.
Un autre état liste " des destructions de matériel de guerre, en ce qui concerne les établissements du Service des Poudres, dont la cause n’a pas été nettement reconnue comme accidentelle. " Un autre concerne les usines de guerre travaillant pour le service de l’Artillerie (Ateliers de l’État et Usines privées).
Ces états sont intéressants parce qu’ils montrent la diversité des entreprises travaillant pour la Défense Nationale. Mais pour cet exposé, je me limiterai aux 3 catastrophes déjà nommées.
Annexe - Accidents dans les poudreries et dépôts
Événements ayant fait l’objet d’un rapport ou d’une note ou ayant été cités :
16 janvier 1916 – Gaubert – Plaine Saint-Denis – Fabrique d’explosifs – 55.000 F de dégâts.
9 février 1916 – Thaon-des-Vosges – Usine Lederlin – Fabrique de coton-poudre – 400.000 F de dégâts.
11 février 1916 – Le Ripault – Poudrerie – Tentative criminelle reconnue.
4 mars 1916 – Sohier – Saint-Denis, fort de la Double-Couronne – Manufacture de grenades – 20 morts, 45 blessés.
4 mars 1916 – Bourges – École de pyrotechnie – Explosion.
8 mars 1916 – Saint-Médard-en-Jalles – Poudrerie – Commencement d’incendie – 2 blessés.
29 mars 1916 – Ablon – Fabrique de dynamite – 3.000 F de dégâts.
21 avril 1916 – Croix d’Hins (SO de Bordeaux) – Thévenot – Fabrique de poudre et de grenades – Explosion – 50 victimes, 3 à 4 millions de dégâts.
1er mai 1916 – Vandier à La Pallice – Fabrication d’acide picrique – Incendie dans l’atelier de tamisage suivi d’explosion – 171 morts, 138 blessés.
6 mai 1916 – Saint-Chamond –Pyrotechnie – Explosion.
12 mai 1916 – Angoulême – Poudrerie – Incendie.
15 mai 1916 –Valence – Cartoucherie – Incendie.
21 mai 1916 –Neuville-sur-Saône – Poudrerie – Explosion accidentelle suivie d’incendie.
23 mai 1916 – Lyon – Parc d’artillerie – Atelier de chargement – Explosion.
11 juillet 1916 – Monteux – Pyrotechnie Berchie – Explosion.
13 juillet 1916 – Saint-Chamond – Pyrotechnie –Explosion.
21 juillet 1916 – Audruicq – Dépôt de munitions – Bombe d’avion allemande.
25 août 1916 – Saint-Denis – Ets Ruggieri, exploité par Aubin & d’Hellencourt – Fabrique d’artifices éclairants – Incendie – 30.000 à 40.000 F de dégâts.
16 septembre 1916 – Poudrerie Blancpignon – Atelier de renitration de trinitrotoluène – Explosions (4 à la suite) – 6 morts, 24 blessés.
23 septembre 1916 – Poudrerie Braqueville (Toulouse) – Incendie : fuite d’alcool dans usine de déshydratation – 1 mort, 2 blessés.
15 novembre 1916 – Poudrerie Bassens – Usine de Schneiderite – Explosion – 3 blessés.
22 novembre 1916 – Poudrerie Bassens – Usine de Schneiderite –– Explosion – 10 morts (4 Annamites), 7 blessés. (3 Annamites).
28 janvier 1917 – Usine Loyer à Massy – Fabrication d’acide picrique – 3 morts, plusieurs blessés dont 5 graves.
14 février 1917 – Neuville-sur-Saône – Poudrerie – Atelier de trinitration de toluène – Incendie suivi d’explosions – 10 morts, 58 blessés.
4 avril 1917 – Bourg-et-Comin – Dépôt de munitions – Bombardement par tirs ennemis, explosion de plusieurs dizaines de milliers d’obus.
12 avril 1917 – Tarbes – Pyrotechnie (fulminate) – 4 morts, 42 blessés.
21 mai 1917 – École des spécialités VIIIe armée (où ?) – Poudrière – Explosion des grenades et de divers explosifs.
10 juin 1917 – Toulouse – Atelier chargement des porte-amorce – Explosion –3 blessés.
13 juin 1917 – Le Bouchet – Atelier de turbines essoreuses –Incendie.
20 juin 1917 – Saint-Denis – Aubin & d’Hellencourt – Chargement de cartouches pour signaux – Inflammation pulvérin puis incendie – 2 ouvrières mortes, 7 blessés.
22 juin 1917 – Carde & Cie –Usine de la Souys (Bordeaux) – Atelier amorçage grenades VB - 1 ouvrière morte.
26 octobre 1917 – Bourges – Atelier point zéro – Atelier de déchargement d’obus de 155 chargés en mélinite paraffinée – Explosion – ¬6 morts, plusieurs blessés.
15 novembre 1917 – Bourges – Atelier fulminaterie – Explosion – 1mort, 1 blessé (Annamites).
24 novembre 1917 – Le Bouchet – Atelier poudres B – Incendie.
8 décembre 1917 – Atelier chargement Migné – Gargousses de 155 – Incendie – 16 mortes, 19 blessés.
15 mars 1918 – La Courneuve – Dépôt de grenades – Incendie suivi d’explosion. –Plusieurs blessés.
5 juin 1918 – Baussenq – Dépôt d’explosifs – Pas d’autre info.
Liste non exhaustive