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Voir ces documents à la page 22 de la brochure éditée par l'association Eugénies à l'occasion de l'exposition au Fort de Mons-en-Barœul : Le centenaire de la guerre 1914 - 1918 à Mons-en-Barœul, écrit par Jacques Desbarbieux et Guy Selosse. Contact ici.
Intégré aux fortifications, le bastion des 18 ponts était situé le long du Boulevard de Belfort, à proximité de l'emplacement actuel de l'hôpital Saint Vincent, dans le quartier de Moulins. Ce bastion des fortifications de la ville était composé d’un ensemble de casemates voûtées servant de poudrière. Il était fait de 18 arches (d’où son nom) en plein cintre sur 2 étages et de profonds souterrains protégés par de solides voûtes recouvertes d’un épais remblai. Le 1er corps de l'armée allemande y avait entreposé son matériel dont des munitions et des explosifs.
Voici un extrait du Bulletin de Lille :
L’occupant déplore officiellement 30 morts, le chiffre exact était sans doute nettement plus important, mais non avoué pour des raisons de propagande.
La municipalité a reçu des ordres de protéger, la propriété privée dans la partie détruite de la ville et d'y exercer la surveillance pour éviter les vols dans les habitations éventrées, comme on pouvait le constater après les bombardements de l'artillerie. (photo ci-contre).
Un siècle après cette explosion, les causes ne sont pas toujours pas connues précisément. On a parlé d’un attentat, sans preuve, d’une bombe lancée par un avion anglais, mais personne n’a entendu le bruit d’un moteur. Plus vraisemblablement, il doit s’agir d’une détonation spontanée d’explosifs de mauvaise qualité et instables. Toutefois une autre hypothèse évoque un obus de l'artillerie à longue portée britannique qui visaient les 500 tonnes de mélinite arrivées quelques jours plus tôt. L'origine criminelle fut bien sûr la thèse allemande, qui ne pouvait accepter en public une cause accidentelle.
L'hypothèse du sabotage
La théorie d'une destruction dirigée
En 1916, l'aviation à usage militaire est plus que confidentielle. Son utilisation ne sert pratiquement que pour du repérage. Regardez les affiches de la mobilisation en 1914, elles ne concernent que les armées de terre et de mer, l'armée de l'air n'existe pas. Un bombardement à partir d'un avion est plus qu'improbable compte tenu des possibilités techniques de l'époque. C'est seulement à partir de 1917 qu'on assiste aux premiers lâchers de bombes depuis un plus lourd que l'air, et encore de façon assez artisanale. De plus un bombardement de nuit ne peut même pas s'envisager.
C'est différent si l'on envisage des tirs d'artillerie depuis les lignes anglaises. Nous l'avons évoqué plus haut, six jours avant l'explosion, des tirs d'artillerie ont eu lieu vers la gare Saint-Sauveur, pour tenter de détruire un train de munitions destiné au dépôt des 18 ponts. Les obus sont tombés dans la gare, rue de Cambrai et rue Danton. À la suite de cette canonnade, le train a été rapidement dirigé vers la poudrière. Comme les allemands avaient minimisé les possibilités de l'artillerie anglaise lors de la récente canonnade du 5 janvier, ils leur été difficile de se déjuger.
De nombreuses explosions ont eu lieu dans les poudrières allemandes fin 1915 et en 1916, en raison de l'instabilité de la mélinite utilisée, d'après une note confidentielle de l'armée allemande.
Block out des Allemands quant au nombre de soldats tués ; officiellement, une trentaine. Certains historiens mettent aujourd'hui en parallèle ce fait divers avec l'explosion de l'usine AZF de Toulouse, détruite le 21 septembre 2001 par l'explosion d'un stock de nitrate d'ammonium, ce qui entraîna la mort de 31 personnes.
Ce que l'on sait, c'est que les allemands mettaient leur caisses de mélinite sous l'eau, en raison du risque explosif mal maîtrisé. Ce n'était pas le cas au bastion des 18 ponts. Ils ne le feront qu'après l'explosion du 11 janvier 1916. Certains habitants du quartier s'étaient d'ailleurs inquiétés, à juste titre, de l'existence de ce dépôt à proximité d'une zone très peuplée.
Un effet de souffle
Monseigneur Charost, évêque de Lille, entouré du chapitre de sa cathédrale, et du clergé de toutes les paroisses de Lille, a, du haut du perron de l'église, chanté les prières des morts, auxquelles les chœurs paroissiaux ont répondu, et a parcouru la place, pour donner l'absoute.
Voir les clichés du musée des canonniers
Un quartier, une histoire : l’explosion des 18-Ponts raye Moulins de la carte
PAR FRÉDÉRICK LECLUYSE
11 janvier 1916. L’explosion du dépôt de munitions allemand a soufflé le quartier Moulins, tuant plus de cent civils. Un drame épouvantable qui a marqué l’histoire.
Nouvel épisode de notre série d’été et direction Moulins avec l’un des faits divers les plus terribles de la Première Guerre mondiale. Le 11 janvier 1916, un dépôt de munitions de l’armée allemande explose et rase littéralement une partie de Lille.
MOULINS.
Il est 3 h 30, cette nuit-là, lorsqu’un gigantesque rayon jaune balafre le ciel lillois. Le dépôt de munitions des 18-Ponts vient d’être soufflé par une explosion d’une intensité jamais vue. Au petit matin, le paysage est lunaire. Le quartier Moulins a disparu de la carte de Lille. Situé en bordure du boulevard de Belfort, ce bastion était alors composé d’un ensemble de casemates voûtées servant de poudrière à l’armée allemande. Il avait la forme de 18 arches sur deux niveaux, reposait sur de profonds souterrains et abritait le matériel du 1er corps d’armée dont 500 tonnes de mélinite. Il n’en reste rien. La déflagration laisse, en effet, un cratère de 150 mètres de diamètre et d’une trentaine de profondeur.
Les mêmes causes de Lille à Beyrouth en passant par Toulouse ?
UNE CENTAINE DE MORTS
L’onde de choc a été entendue jusqu’à Breda, aux Pays-Bas. À Lille, le pire est à venir : on dénombrera, en effet, 108 morts parmi les civils et 30 décès chez les soldats allemands. Les hôpitaux accueillent 400 blessés. Près de 750 maisons et 21 usines ont aussi été détruites. Les gazettes notent que l’explosion a même propulsé un morceau de pierre dans le jardin d’Hippolyte Lefebvre. Le sculpteur lillois l’aurait utilisé pour le monument érigé à la mémoire des victimes, rue de Maubeuge. Des familles entières ont été anéanties.
On s’est longuement interrogé sur l’origine de cette catastrophe meurtrière. La thèse criminelle, développée par l’occupant, fut rapidement balayée. « Les Allemands ne pouvaient reconnaître publiquement une cause accidentelle », notent les historiens. Qui observent, en outre, qu’aucune mesure de rétorsion n’a eu lieu après le drame. La thèse d’une bombe lâchée par un avion britannique a aussi été définitivement écartée. « Les possibilités techniques de l’époque ne le permettaient pas. »
L’hypothèse la plus probable reste, par conséquent, celle de l’accident. Et, comme à Toulouse, avec l’usine AZF, et à Beyrouth, avec le nitrate d’ammonium de l’entrepôt du port de la capitale libanaise, le stock de mélinite semble manifestement au cœur de l’explosion des 18-Ponts. Des expertises sur le souffle de ces explosions paraissent corroborer cette piste. Elles auront, en tout cas, tué de Lille, en 1916, à Toulouse en 2001 et au Liban vingt ans après. C’est aussi l’objet d’un livre très pertinent (1) publié en 2015 par le Lillois Alain Cadet.
1. « L’explosion des 18-Ponts, un AZF lillois », aux éditions Les Lumières de Lille.